Léternelle saga des implants mammaires XIII
La question qui tue
3 octobre 2019
La question qui tue
Je suis une patiente du Dr Daigle. Donc, si je comprends bien tout ça, si nous n’avons pas l’argent pour la chirurgie, nous sommes donc condamné à garder des implants qui potentiellement pourraient nous causer un cancer et ce, sans même l’avoir su avant parce qu’Allergan ne le savait pas non plus... que les implants soient gratuits est une chose pour nous aider mais que la chirurgie soit aussi haute ... c’est comme si seulement ceux qui ont l’argent pourrait peut être s’en sortir. Nous n’avons rien demandé à la base que ce n’est qu’avoir de plus beau sein et nous devons en débourser encore si nous ne souhaitons pas avoir de cancer ou du moins prévenir ? Je suis désolé,e il faut se mettre à notre place, porteuse de ses implants qui pourrait être dangereux et ce, contre notre gré..... Merci de me répondre
Madame, vos questions pourraient être celles de bien d’autres patientes.
Je voudrais mieux vous informer, peut-être vous rassurer. Vous soulignez beaucoup d’éléments.
Je vais reprendre vos paroles afin de préciser les choses.
1) Quand vous dites « que vous êtes condamnée à porter des implants qui peuvent potentiellement donner le cancer » il faut bien mettre les choses en perspective. Chez les canadiennes ayant eu un LAGC-AIM, plusieurs (40%?) avaient déjà auparavant eu un cancer, de la radiothérapie, ce qui peut changer les risques et vous n’êtes pas dans cette situation à plus haut risque. Mais en incluant toutes les patientes, on parle d’un risque d’environ un lymphome sur 3000 patientes. Le risque PAR EXEMPLE, qu’une femme développe un cancer du sein dans sa vie, avec ou sans implant, est 252 fois plus élevé que celui du LAGC-AIM, si AUCUN membre de la famille maternelle en a souffert, et 380 fois plus élevé, si UN membre de la famille maternelle en a été atteint. Pourtant, malgré ce risque, on procède rarement à l’exérèse des seins de façon préventive. Pourtant, le cancer du sein a un taux de mortalité non négligeable, et a un traitement complexe. Faut-il donc enlever un implant texturé chez une patiente qui va bien, ou plutôt l’informer des symptômes de dépistage, comme on le fait avec les mammographies pour le cancer du sein. Pour le LAGC-AIM les symptômes sont un gonflement du sein par une collection de liquide autour de l’implant, une masse au voisinage de l’implant, l’apparition de ganglions.
Il faut comprendre que la déclaration qui suit, explique bien l’état actuel de la situation :
" l’Agence américaine des produits alimentaires et médicamenteux (la « FDA ») et les sociétés de chirurgie esthétique déconseillent le retrait des implants texturés et de tout autre type d’implant mammaire pour les patientes qui ne présentent aucun symptôme du lymphome anaplasique à grandes cellules associé aux implants mammaires (LAGC-AIM), et ce, en raison du faible risque qu’il ne se développe."
Chaque patiente qui sera évaluée pour un tel changement d’implants texturés sans évidence de symptômes de lymphome, devra bien comprendre ce qui précède.
Je crois que, dans un tel contexte, je ne changerai pas beaucoup d’implants texturés chez des patientes qui vont bien et dont les implants sont intacts.
Les frais associés
Les garanties des fabricants sont ce qu’elles sont: il y a des conditions, une couverture bien précise. Par exemple, une opération pour l’apparition d’une capsule fibreuse n’est pas couverte par les garanties des fabricants d’implants.
Bien que le chirurgien ne soit pas responsable des garanties des fabricants, c’est lui et son personnel qui l’expliquent et, souvent, la mettent en action. Mais l’équipe chirurgicale a peu à dire dans le processus.
Le fait qu’Allergan offre maintenant une garantie rétroactive sur les implants texturés crée, en fait, de nouveaux soucis aux patientes : « pourquoi y a-t-il maintenant une garantie pour enlever mes implants, sont-ils plus dangereux qu’on le dit? ». Les patientes devront se retourner vers le chirurgien et son équipe, ce qui est correct, et ces derniers devront assumer un rôle, pour une décision avec laquelle ils n’ont rien eu à dire ou reçu d’explications valables de la part du fabricant. Mais les chirurgiens désirent assister leurs patientes.
Un changement d’implant n’est pas une opération « in & out » comme on pourrait l’imaginer. Il faut évaluer la situation, en discuter adéquatement avec la patiente, évaluer et gérer les risques, préparer l’intervention. Lors de l’intervention, il faudra enlever les implants, enlever la capsule fibreuse, ajuster la cavité qui résulte de cette action dans presque tous les cas, puis judicieusement sélectionner les implants ronds et lisses. Tenter d’obtenir le meilleur résultat possible. Tout ça, par une petite ouverture (l’ancienne cicatrice idéalement). Parfois faire plus, un redrapage par exemple, qui avait été évité avec un implant texturé.
Il faudra de nouveau gérer les attentes de la patiente, la suivre pendant des mois.
On comprend qu’on ne fait pas une telle intervention sans raison valable. On comprend que tout cela génère des coûts.
Le rôle du chirurgien est de faire un travail professionnel et sécuritaire.
Quelque soit son milieu de pratique, l’évaluation pré-opératoire, la gestion du patient vers une intervention chirurgicale, l’équipe chirurgicale, le plateau technique, les services d’un anesthésiste, les médicaments, la salle de réveil, les suivis, et les taxes (!) amènent des coûts effectivement toujours de plus en plus élevés.
Le rôle du chirurgien n’est pas de couper dans la sécurité ou le professionnalisme de son équipe. Croyez-moi, l’équipe d’ISOMED, est de ce qui se fait de mieux en efficacité.
La nouvelle garantie ne couvre pas ces coûts additionnels, alors qu’elle les couvre en partie pour une rupture d’implant par exemple. Je comprends votre déception et l’arbitraire apparent. Plusieurs chirurgiens canadiens l’ont communiquée à Allergan il y a plusieurs mois pour toutes nos patientes. La réponse d’Allergan pourrait être cette garantie (?). Pour le moment il semble bien en être ainsi.
Nous ferons aussi tout ce que nous pouvons pour limiter les coûts et il y a parfois des façons pour les patientes de nous aider à le faire. Il n’est pas possible d’établir un estimé juste sans avoir d’abord évalué la patiente.
Je vous invite à bien lire notre blogue et à nous voir en consultation si vous en sentez le besoin.
Dr Jean-Pierre Daigle,
Chirurgien plastique
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Une étude-maison sur le remplacement d'implants par le Dr Jean-Pierre Daigle.
À l'été 2024, j'ai procédé à une révision des interventions que j'ai pratiquées sur les seins.
Groupe IV Les Implants Micro-Texturés de Mentor.
L'usage de ces implants texturés a été très limité et ces derniers n'ont pas été associés au LAGC-AIM.
Il m'est impossible avec ce nombre réduit de tirer des statistiques.
Néanmoins, ces implants représentent dans ma série de patients, 2.5% de ces ruptures d'implants.
Il n'y a pas lieu de rechercher d'emblée des séromes ou des masses suggestives de lymphome associé aux implants mammaires mais l'échographie demeure sans doute d'examen de choix pour évaluer l'intégrité de ces implants.
Une mammographie de dépistage est aussi requise pour les patientes de plus de 40 ans ou plus jeunes, si elles ont une histoire personnelle ou familiale de cancer du sein. Rappelons que le but de la mammographie est de dépister une lésion de la glande mammaire et non pas d'évaluer l'implant lui-même. C'est aussi de la médecine rigoureuse d'évaluer glande et implant avec ces deux mesures pour avoir un diagnostic complet .
Groupe II: Remplacement des implants mammaire "Vintage"
24 09 2024
Il s'agit d'implants, en général, de silicone liquide, datant d'avant 1992. Puisqu'ils sont toujours en place, ces implants datent de plus de 30 ans.
Ils représentent 25% des implants rompus que j'ai opérés.
Les patientes consultent très tard (30 à 42 ans), car leurs seins ne sont plus leur priorité. Elles ont des limitations financières, ou de santé... . Elles me consultent souvent pour autre chose (visage, paupières), qui est alors, devenu pus prioritaire...
Ces implants peuvent être considérés comme rompus dans l'ensemble.
Il y a rarement d'investigation à faire. Les capsules de ces implants sont souvent calcifiées ce qui rend le bilan radiologique des seins eux-mêmes quasi impossible.
Essentiellement tous ces implants demandent qu'on enlève chirurgicalement silicone et capsules fibreuses, qu'on reconstruise une cavité, qu'on mette des implants modernes de gel de silicone, ou qu'on ne remette simplement plus rien.
Un redrapage, seul, n'est en général pas possible car il n'y a plus de glande mammaire.
Les implants sont souvent devant le muscle ce dernier s'est atrophié depuis des années.
Une reconstruction par derme artificiel ("Alloderm tm) peut être discutée mais est couteuse et associée à davantage de complications, une convalescence plus complexe et plus longue. Elle est rarement retenue comme solution. Des techniques qui s'apparentent à "la brassière interne" sont souvent requises bien que personnellement, j'ai toujours nommées ces techniques comme étant des "capsuloraphies".
C'est dans ce groupe qu'il est le plus fréquent de ne pas remplacer les implants. Une solution de "compromis" est souvent acceptée.
Je souhaiterais (recommande) qu'aucune patiente portant encore ces implants, ne les garde, si leur santé permet une intervention chirurgicale pour les retirer, les remplacer si possible.
Elles devraient au plus tôt obtenir une opinion d'un chirurgien en qui elles pourraient accorder leur confiance.